dimanche 22 décembre 2013

Juliette ou la cléf des songes de Marcel Carné



Avec Juliette ou la clef des songes, Marcel Carné adapte en 1950 au cinéma une pièce  de théâtre éponyme de Georges Neveux, auteur surréaliste français. Michel est un jeune homme désargenté mais éperdument amoureux de Juliette pour laquelle il vole  une somme considérable d'argent dans la caisse du   magasin où il est employé.  Son projet de voyage avec Juliette est anéanti quand il est mis aux arrêts et placé en prison. Pour échapper à sa condition de prisonnier misérable, oublié par  sa maîtresse, Michel se réfugie dans les songes. Par le biais de son rêve, il pénètre alors dans un  pays mystérieux  où tout le monde semble avoir perdu la mémoire, et dans laquelle il retrouve sa bien aimée sous l'emprise de Barbe Bleue. 

Les thématiques du long-métrage de Carné, le monde onirique et le conte de fées( avec la présence de Barbe Bleue ), la recherche d'une certaine poésie, font écho à l’œuvre d'un autre cinéaste, qui avait réalisé quatre ans auparavant une adaptation de Charles Perrault, la Belle et la Bête. L'influence de  Jean Cocteau sur Marcel Carné est sensible tout au long du film.

Les deux œuvres distinguent deux mondes, celui de la réalité cela sera pour Belle sa maison natale où elle cohabite avec ses deux  méchantes sœurs, puis un monde magique et onirique la forêt et le château de la Bête. Le long-métrage de Carné s'articule sur le même schéma narratif, la cellule de prison  que Michel partage avec ses deux co-detenus ( la réalité ), puis enfin le village Sans Nom ( une grande partie de l'intrigue se déroule  également dans une forêt aux alentours, puis dans un château ( le monde onirique ). Dans les deux œuvres, les protagonistes principaux sont « prisonniers »  au sens propre comme au sens figuré de leur réalité, Belle est condamné par ses sœurs à mener une misérable de servitude, tandis que Michel gît en prison. Tout sont deux sont dans un état de mélancolie, abandonnés par un être qui leur sont cher, ils n'attendent plus rien de leur existence, Belle en demandant à son père de rapporter qu'une rose, montre son désintéressement vis à vis du monde, tandis que Michel se couche en gardant ses yeux clos, fuyant la lumière des torches des gardiens. Ces deux personnages relient les deux mondes, si dans la Belle et la Bête ce sont les personnages de la réalité qui font irruption dans le monde enchanté, chez Carné c'est le contraire. Cette dualité des dimensions, est souligné par le jeu des acteurs, en effet le personnage qui joue Barbe Bleue dans le rêve, est aussi dans la réalité le patron de Michel ( victime du vol, prétendant de sa maîtresse ),  dans la Belle et  la Bête, Jean  Marais, joue à la fois  Avenent ( l'antagoniste ) et la Bête.

Cependant, la fin du film de Carné n'est pas aussi heureuse que le conte de Cocteau, il partage sur ce point le pessimisme d'un long-métrage d'Alain Resnais. Plusieurs scènes de Juliette rappelle des séquences de L’année dernière à Marienbad, notamment celles où Michel, apostrophe  sa maîtresse (dont la mémoire ne dure que quelques heures) : avec la réplique « Souviens-toi » et elle lui demande de lui raconter leur premier rendez vous. Michel relate ce souvenir en différents lieux tout comme dans le film de Resnais et de Robbes-Grillet. Il y a ce passage avec le marchand de souvenir, où chacun des protagonistes  donne sa version du souvenir inventée  sur un objet, ce passage rappelle la séquence de Marienbad, où l'homme et la femme ensemble dans le jardin français du château, tous deux donnent une interprétation chacun à son tour d'une statue bâtie dans le style antique issue de la Renaissance.

Le rêve, les contes, l'oubli, mènent chez Carné vers le désenchantement, puisque tout comme dans le rêve de Michel, Juliette préfère dans la réalité son patron ( le double de Barbe Bleue ). Le songe ne demeure plus alors un refuge, puisque à la fin, Michel ne voit  son salut que dans la mort.

mardi 13 décembre 2011

L'art et les artistes


Le Kimono en couleur orange, Giuseppe de  Nittis

Lorsqu'on se promène dans le quartier du Petit Palais à Paris, on peut croiser vers les quais de la Seine, durant la belle saison des peintres aux bérets rouge, tracer des esquisses de leurs tableaux devants des touristes émerveillés. Sur un stand sont exhibés, une galerie de peintures aux couleurs vives, des monuments parisiens célèbre comme le Notre-Dame, ou une vue panoramique de la Seine, exécuté à la manière des peintres impressionniste français, imitant approximativement les tableaux de Monet ou de Renoir.

 

Quand un homme s'avança de la poignée des touristes anglo-saxons, pour saisir un tableau et l'acheter. Je ne pus m'empêcher de sourire, lorsque celui-ci le brandit devant son jeune enfant et expliqua que c'était de l'art. Je me souvins alors des portraitistes qui sévissent à Montmartre, et qui à la demande des clients brossent leurs portraits, à la manière des célèbres autoportraits de Van Gogh (celui qui figure au Musée d'Orsay précisément). Ce trait particulier au peintre néerlandais qui consiste à peindre, par des touches ondulantes, n'est pas un simple effet à usage esthétique. Elle cache derrière elle un sens, par ce style onduleux et agité, qui donne une impression de vertige, Van Gogh ne cherchait il pas à représenter son angoisse de la vie ? Nombreux sont ceux qui ignorent encore que l'art peut être bien plus qu'un simple objet décoratif, outre l’expression du beau elle contient parfois une substance intellectuelle. De la même façon on n’est pas artiste lorsqu'on sait peindre, dessiner, cela relève de la maîtrise d'une technique artistique, c'est de l'artisanat. Un véritable artiste à un don, celui de créer une œuvre qui n'avait jamais été exécuté de la sorte auparavant, et qui délivre même après des siècles, sous le masque des couleurs, au promeneur contemplatif, un message.